dimanche 13 mars 2011

LE PESSIMISME FRIVOLE,UN ETAT D'ESPRIT : NEOZBILJNI PESIMISTI EN CONCERT EN FRANCE

Les concerts de groupes d’ex-Yougoslavie étant rares en nos contrées (on y reviendra prochainement), on ne peut que saluer l’initiative de l’asso et webradio parisienne « Rock The Balkans » d’avoir invité les Neozbiljni Pesimisti qu’on ira écouter cette semaine si l’on habite Paris, Strasbourg ou la Suisse (dates en fin de billet).

Les Neozbiljni Pesimisti (prononcer « Néose-bilni Pessimisti ») viennent de Sombor, petite bourgade de Voïvodine, province du nord de la Serbie, où l’Allemand, le Tchèque, l’Autrichien se sentent presque à la maison, et le touriste amoureux de Prague, Budapest ou Cracovie n’y est pas dépaysé. La région appartient en effet à la Mitteleuropa, ce continent imaginaire qui court de l’Alsace jusqu’à Lviv, de la mer Baltique jusqu’aux portes de Belgrade.

Ancien territoire de l’Empire Austro-Hongrois, la Voïvodine est encore aujourd’hui une mosaïque peuplée de Serbes, Croates, Hongrois, Slovaques, Ruthènes, Roumains, Roms, Juifs, Allemands, Albanais, etc. C’est entre autres, la patrie du grand violoniste hongrois Lajko Felix, du jazz-poète serbe Boris Kovac et des peintres naïfs slovaques.



Avec la Voïvodine, tout fout le camp en Serbie : même le Serbes songent à se séparer d'eux même !

Par miracle, toutes ces populations vivent encore en relativement bonne intelligence, malgré les provocations régulières de l’extrême droite serbe, et le centralisme quasi colonial de Belgrade. La province a en effet perdu son autonomie sous Milosevic, et les « démocrates » ne l’ont jamais restituée, d’où des velléités régionalistes voire indépendantistes de plus en plus fortes. Rien à voir cependant avec les nationalismes de la fin des années 80 : on est plutôt ici dans un projet identitaire progressiste, un peu  à la Fabulous Trobadors, conscient des racines mais ouvert sur le monde et garant d’un « vivre ensemble » harmonieux entre les communautés.



Si les Neozbiljni Pesimisti n’expriment pas directement de parti pris sur la question, leur musique bigarrée fleure bon pourtant le cosmopolitisme de cette province avec – derrière un socle rock/punk clairement identifiable et flirtant à l’occase avec la pop ou l’electro - des accents klezmer et des touches de folk tant hongrois que serbe. Une sorte de fusion rurale (la Voïvodine est le grenier à blé de la Serbie) décomplexée, qui ravira les fans de groupes comme Gogol Bordello, Kultur Shock, Têtes Raides, Flogging Molly et Terrafolk
 

Si le groupe est irrésistiblement festif, la mélancolie affleure pourtant au gré des mélodies, et les textes posent un regard amer sur la situation du pays, toujours en stand-by politique, 11 ans après la chute de Milosevic. Déçue par le paternalisme méprisant de l’UE mais pas plus emballée par les opportunistes avances du grand frère russe orthodoxe, livrée au business international – désormais actionnaire majoritaire de son économie, et aux hooligans locaux qui sèment la terreur dans et hors des stades, toujours en pleine fixette sur un passé pourtant révolu alors qu’une bonne partie de la population vit sous le seuil de pauvreté, la Serbie patauge dans la confusion idéologique et le marasme social.

De tout cela, il est bien entendu question dans les chansons de Neozbiljni Pesimisti. Pas de message clair ni de colère frontale, plutôt des textes en demi-teinte, plus blanc cassé que noir ou blanc, à l’ironie subtile. Nos lecteurs non-serbocroatophones pourront les découvrir en anglais ici, ceux qui parlent l’idiome les trouveront par là.



Bref, un punk-folk festif au service de textes aigres-doux, que résume avec pertinence le nom du groupe : littéralement « Les Pessimistes pas sérieux », mais qu’ils traduisent avec encore plus de justesse en anglais par « Frivolous Pessimists », les « Pessimistes Frivoles ».
C’est exactement de cela qu’il s’agit, et c’est un bon résumé de l’état d’esprit qui règne en Serbie, où l’on fait la fête comme si tout allait bien, alors que l’avenir reste bien incertain. Un pessimisme frivole que l’on retrouve aussi ailleurs en ex-Yougoslavie : chez Grof Djuraz, par exemple, dont on parlait ici même la semaine dernière, voire chez Damir Avdic (dont on parlera bientôt) qui qualifie son rock lourd et plombé de chansons d’amour ( !).

On l’a compris, le pessimisme frivole résume bien le ressenti voire une certaine posture intellectuelle qui peut exister en ex-Yougoslavie. Un état d’esprit à découvrir sur scène cette semaine :


 
Mardi 15/3  
Paris @ La Scène Bastille (avec Joke)

Jeudi 17/3 

Lucerne (CH) @ Bar 59 (+DJ's)

Vendredi 18/3 

Strasbourg @ Molodoï (+ nombreux guests et DJ’s)

Samedi 19/3 

Zurich (CH) @ Stall 6 (+ DJ’s)

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